Headache remastered review – Positive Rage
Il existe peu de groupes de rock qui arrivent à s’épanouir en dehors des carcans, avec autant de liberté, de références variées et de personnalité. Les excellents Pavement, qui passaient du college rock indé aux gueulantes punk foutraques sans prévenir, avaient ouvert la voie dans les années 90. Mais depuis, les chapelles rock s’étaient souvent refermées. Chacun à sa place.
Et dans l’anonymat le plus complet (du moins, jusqu’à ce que le boss d’Ici d’Ailleurs ressorte leur troisième album ce 21 octobre), c’est un groupe polonais ne ressemblant à pas grand chose qui est en train de renouer avec cette tradition, mêlant bizarreries instables et références.
Trupa Trupa rappelle Pavement, car comme eux, le quatuor est libre, fragile, et sans pudeur. Il touche à tout : rock indé, réminiscences psychédéliques, pop, sursauts déviants, slow-core, et douceur torturée. Mais Trupa Trupa le fait sans se dissimuler derrière les clichés. Le chant de Grzegorz Kwiatkowski n’hésite pas à frôler les limites, sans masque, sans filet, et sans jamais faire de cinéma. Derrière, les ambiances se tissent, délicates, répétitives, minimales. C’est beau sans oublier pour autant de bousculer l’auditeur. Rarement frontalement, mais en acceptant la rupture, les défauts, et le tordu. C’est sans doute pour cela que le label parle de Slint. Nous pourrions renvoyer à Blonde Redhead, ou à tous ces groupes qui flirtaient avec la pop, cherchant l’émotion plutôt que l’énergie, mais en remettant en question toutes les règles de la perfection ennuyeuse. Montant en sacré les fissures et les cicatrices. Pink Floyd et Syd Barett n’y sont pas pour rien, et leur esprit survole ce disque en particulier.
Et si les polonais savent caresser dans le sens du poil avec de très beaux morceaux, tout en délicatesse, ils sont aussi maîtres en matière de fragilité mettant mal à l’aise. Là est l’émotion, sincère, brute, et loin des routes balisées.
Alors, il est évident que ce n’est pas avec Trupa Trupa que nous allons nous amuser en concert, comme des teenagers trop vieux (nous pouvions nous en douter avec Ici d’Ailleurs), mais c’est bien avec ce genre d’album étonnant que nous allons rouvrir quelques portes.