Trupa Trupa

Jolly New Songs – opis Ici d’ailleurs

Y avait-il vraiment effet de surprise quant à la découverte soudaine d’un groupe polonais capable de prendre d’entrée de jeu une place fort honorable sur la scène indé internationale ? Pas vraiment dans un sens, chacun étant capable d’envisager que l’accès rapide et mondialisé à tous types de sons soit désormais ouvert au moindre groupe de province d’un pays dit « de l’est ».

Certes, le nécessaire (?) ressenti d’un air-du-temps-qui-va-bien et incluant fringues subtilement « revival », coupes de cheveux identifiables et attitude idoine donne toujours un petit cran d’avance aux produits industriels made in UK, ou aux migrants berlinois s’encanaillant une génération trop tard dans un ailleurs tout relatif à l’exotisme propret.

A l’instar de Berlin d’ailleurs, Gdansk eut, sous le nom de Dantzig et une guerre mondiale plus tôt, un statut particulier et un peu bâtard de « ville libre » contrôlée par la SDN (l’ONU avant l’heure), ajoutant à son état de ville portuaire et à son histoire déjà mouvementée une nouvelle raison d’être, plus que d’autres, tournée vers l’extérieur. On pourrait également rappeler que c’est de Gdansk aussi que venait le mouvement Solidarnosc, qui devait finalement contribuer à renverser tout le système « communiste » alors que Grzegorz Kwiatkowski et ses comparses n’étaient encore que des gamins.

De là à dire qu’un petit groupe de Gdansk peut renverser l’establishment du rock indé, soigneusement codé et trusté par un monde anglo-saxon tolérant à peine quelques incartades belges ou scandinaves, il y a un pas qu’on se gardera bien de franchir. Et de toute manière ce n’est manifestement pas le but de TRUPA TRUPA. D’ailleurs, avoir habilement intégré les influences de Pavement, de Slint ou des Black Angels aura certes permis au groupe de s’attirer l’attention et les éloges des plus érudits pour son album Headache, mais il leur reste à prouver qu’il s’agit là d’autre chose que d’un délicieux anachronisme, qu’on ne pardonnerait guère à une formation géographiquement plus proche.

On ne fera pas pour autant le coup du « défi du deuxième album » au sujet de Jolly New Songs qui est après tout le 4e long format du groupe polonais. On les attend quand même au tournant comme si c’était le cas : il va falloir autant guider l’auditeur dans des références établies ou nouvellement révélées, que le perdre dans une manière singulière et subtilement inédite de les distiller. Se renouveler, mais pas trop…

Chacun fera son propre chemin dans les labyrinthes de Jolly New Songs mais on conviendra déjà d’une part que TRUPA TRUPA y affirme une patte identifiable, grâce à un son en cohérence avec ce qu’on connaissait d’eux, et d’autre part que la palette des influences du quartet s’étend de manière cohérente et roborative, mais sans être trop prévisible.

On pourra ainsi trouver quelques références, fortuites ou volontaires, à des groupes pour le moins divers. Leave It All ressemble ainsi à une jam session déjantée entre le Soft Machine des origines et le Velvet Underground, tandis que Love Supreme doit bien plus à Spiritualized qu’à Coltrane. Et si à l’instar de Coffin ou To Me ces Jolly New Songs sont un peu plus pop que les titres du précédent album, c’est sans doute sous les auspices des Beatles (Only Good Weather)… Mais ce n’est pas suffisant pour expliquer ce cocktail bien à eux, tour à tour austère et séduisant, soufflant le chaud et le froid, insufflant du doute dans les certitudes de l’auditeur, ou le contraire d’ailleurs. Tant mieux.

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